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"Familiarise-toi avec la caméra, puisque c'est le moyen par lequel tu veux t'exprimer" Erich Pommer à Fritz Lang, 1918.

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Technique: introduction >< interfaces esthétiques

La technique en regard de ses “interfaces esthétiques”: pour chaque description technique notée ci-dessous, nous essaierons de cerner quels en sont les enjeux esthétiques. Et inversement, comment un besoin artistique a-t-il pu induire une nouvelle technologie (rubriques en cours de rédaction).

C’est sur une “imperfection” de l’oeil humain (et du cerveau) que repose le principe du cinéma : la persistance de la vision (longtemps et faussement dénommé persistance rétinienne Pierre Brard, dans son ouvrage, parle encore de la persistance rétinienne ! où la rétine fait preuve d’une certaine inertie lorsqu’elle reçoit des excitations lumineuses : par exemple lorsque l’on regarde une lampe allumée quelques instants et que l’on ferme les yeux ensuite, la lumière de la lampe persiste) (*).

C’est le physicien belge, Joseph Plateau, qui étudia ce phénomène vers 1830 (cf. page Avant 1895). Il pensa que l’oeil (*), lorsqu’il regarde un objet en mouvement, ne voit peut-être pas toutes les positions successives que celui-ci occupe et qu’il faut oublier une position de l’objet avant de voir la suivante. Il eut l’intuition qu’en dessinant une série de positions intermédiaires et en les regardant rapidement, la persistance de ces impressions visuelles (*), fondrait ces images les unes après les autres et donnerait ainsi l’illusion du mouvement. Il construisit ainsi le premier appareil qui réalise la synthèse d’un mouvement : le phénakistiscope (illustration ci-dessous : disque de phénakistiscope, (photo : © JFPB).

 

 

Toutefois, ce phénomène de la persistance de la vision a été constaté dès la plus haute antiquité. Ptolémée le signale dans son Traité d’optique : en faisant tourner rapidement une torche allumée l’oeil voyait un cercle lumineux (cf. illustration ci-dessous), comme la toupie colorée qui laisse apparaître une couleur blanche. Mais l’effet de continuité n’est obtenu que si les “images” formées les unes après les autres ne sont pas séparées par une durée supérieure à 1/10e de seconde : ce sont les travaux du mathématicien Roget et du physicien Wheatstone qui permirent de mettre en évidence une loi : “Une série d’éclairements brefs permettent d’immobiliser en apparence un objet en mouvement”.


 

Trois conditions sont à respecter :

1 – chaque image doit être immobile pendant son examen par l’oeil (*),

2 – le remplacement d’une image par la suivante doit se réaliser sans que l’oeil (*) puisse s’en apercevoir,

3 – la succession des images doit être suffisamment rapide pour que l’oeil (*) fonde les images l’une dans l’autre.

Ainsi, si l’on propose une suite rapide d’images d’un mouvement quelconque, l’oeil (*) va confondre ces images et donner une impression de continuité. C’est ce que nous percevons lors de la projection. Le fondement de la technique de prise de vues dans la caméra a été de pouvoir obtenir cette suite rapide d’images.

Ce sont les Frères Lumière qui ont résolu ce problème mécanique de tirer le film (mouvement continu) et l’immobiliser (mouvement alternatif) au moins 16 fois par seconde. À la prise de vues et pour la projection sur un grand écran !

Pour eux, était-ce ce que nous reconnaissons aujourd’hui comme cinéma ”? La fabrication de leur propre Kinora nous interpelle

 

 

...en faisant tourner rapidement une torche allumée l'oeil voit un cercle lumineux... (doc © E. Trutat).

 

 

Réduite à sa plus simple expression, une caméra est une chambre noire composée de deux parties:
- une partie mécanique qui assure le déroulement (continu puis intermittent puis continu) du film ;
- une partie optique qui permet la formation de l’image sur la pellicule.
De nombreux accessoires complètent les appareils et leur permettent d’améliorer les conditions de leurs utilisations.

 

Laissons la parole à Gilbert Simondon : “La condition de possibilités d’une invention nouvelle n’est pas seulement la main et le cerveau, mais la condition de possibilités de la réalisation, c’est-à-dire la conservation de tout ce qui a servi à une production antérieure, tant dans sa matérialité que par la culture enfermant les représentations relatives à la production, et le savoir-faire nécessaire. 

 

(*) Nous gardons par commodité (et aussi par souci de simplification) cette expression de “persistance de la vision” et le mot “oeil ”. Pour être plus précis et complet, il faut pointer le rôle fondamental du cerveau dans la perception des images (ce qu’ignoraient les premiers physiciens): la restitution du mouvement ne relève pas que de la fonction rétinienne mais aussi d’un phénomène psychologique qui fait que les impressions perçues par le cerveau au-delà d’un certain rythme deviennent impossible à distinguer. De nombreux travaux ont montré le rôle de l’effet phi qui en fait est l’effet beta. Voir sur le site “Le cerveau à tous les niveaux”, la page L'effet phi n’est pas l'effet beta!" .

 

Quand Liebig explique un trucage de cinéma, “Catastrophe de chemin de fer” (texte au verso):

 

Ceci est un très joli truc. La mise en scène est simple, mais pour créer l’illusion absolue, il faut que le train bijou, le pont miniature qui va s’effondrer sous lui et tous les détails du paysage en plâtre soient d’une exécution excessivement soigneuse. C’est généralement le cas, et les spectateurs du cinéma tout émotionnés de l’horrible catastrophe qui vient de se produire sous leurs yeux, se demandent parfois avec étonnement comment il est possible qu’un opérateur ait pu assister impassible à la scène poignante et trouver le sang-froid nécessaire pour la photographier.

 

Et cette caméra, est-ce une Pathé-Professionnel ?

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