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"Familiarise-toi avec la caméra, puisque c'est le moyen par lequel tu veux t'exprimer" Erich Pommer à Fritz Lang, 1918.

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Chrono de poche Gaumont

 

Le Chrono de poche Gaumont est l’un des premiers appareils destinés aux amateurs. Encore faut-il s’entendre sur le terme “amateur” en ces débuts de cette toute jeune activité du cinématographe. Quels étaient les professionnels qui en vivaient réellement en 1899 ?

C’est en effet au tout début de l’année 1899 (6 janvier, le brevet est daté du 13 octobre 1899) que Léon Gaumont présenta à la Société française de photographie ce nouvel appareil, à la fois pour la prise de vues, mais aussi pour le tirage et la projection. De ce point de vue ce n’était pas absolument nouveau. Par contre, la nouveauté portait sur la partie mécanique d’avancement du film : l’appareil était muni d’un mécanisme à ressort qui se remontait (mouvement analogue à ceux d’horlogeries). La caméra pouvait donc fonctionner sans l’aide de la manivelle actionnée par un opérateur.

 

 

Le Chrono de poche Gaumont avec à gauche, le moteur à ressort, à droite le chrono proprement dit. La manivelle sert à la fois à actionner manuellement le chrono et à remonter le ressort du moteur mécanique. Sur la première photographie en haut, les 2 boitiers sont couplés et la manivelle est en position de remontage du mécanisme à ressort (photos: ©JFPB ).

 

Le mécanisme d’avancement reprenait celui conçu par Georges Demenÿ pour le Chronophotographe (déjà construit par Gaumont mais avec un film de 35 mm.) avec le système, très simple, de la came battante. Un ergot, disposé excentriquement sur un disque, en tournant fait descendre le film d’une image. Ce système permet une pression progressive et évite tout choc brutal sur la pellicule.

Le boitier était en bois et métal gainé en chagrin (cuir grenu). De petite dimension et d’un poids raisonnable, cet appareil était vraiment destiné aux amateurs, voire aux premiers “reporters”… (cf. illustration ci-dessous)

Astucieusement, le boitier contenant le film proprement dit était “autonome” par rapport au mécanisme. En effet, on pouvait actionner à la main l’avancement du film comme cela se faisait à l’époque. En couplant ce boitier avec celui du mécanisme à ressort, l’opérateur avait à sa disposition une caméra à moteur. La manivelle pouvait à la fois remonter le ressort du mécanisme et faire tourner l’appareil sans son moteur !

Les 2 parties pouvaient s'acquérir séparément.

 

Ci-dessus: le tambour d'entraînement du film et la came battante (photos: ©JFPB ).

 

De plus, l'appareil pouvait, comme la plupart des appareils de l'époque, servir de tireuse à positif. Le journal La Nature le décrit ainsi en 1900:

"Le tirage des positifs se fait en employant l'appareil qui a servi à faire le négatif; pour cela on installe la bobine contenant le négatif à la partie supérieure de l'appareil, sur un petit chevalet S disposé à cet effet, puis on engage l’extrémité de la bande dans une fente E qui sert d'entrée à un couloir se prolongeant à l'intérieur de l'appareil. La bobine A contient une bande vierge dont on prend l’extrémité pour la poser en même temps que celle du négatif sur le mécanisme entraineur CD; on les sépare l'une de l'autre en amorçant la bande sensible sur la bobine B, tandis que la négative ressort de l’appareil par le couloir L. Ces dispositions prises, dans le laboratoire bien entendu, on enlève l'objectif et on n'a plus qu'à tourner la manivelle devant une lumière artificielle ou une fenêtre pour obtenir l'impression: on développe ensuite en se servant du cadre spécial comme pour le négatif."

L'appareil permettait aussi de visionner les positifs sans les projeter: en laissant la porte ouverte et en dirigeant la fenêtre vers une lumière, il suffisait de mettre l'oeil à l'objectif (toutefois il fallait ôter le diaphragme et changer l'obturateur par un autre avec une ouverture plus échancrée).

 image extraite du journal La Nature (fin 1900)

 

Caractéristiques techniques:

 

2 boitiers : l’un (le “chrono”) comprenant le système de prise de vues proprement dit actionné manuellement par une manille, l’autre avec le moteur à ressort ; manivelle commune ; l'accouplement des deux parties se fixe via une vis et un écrou respectivement placés dans chaque partie ;

film de 15 mm à perforations centrales (format spécifique);

bobine de 5 m. de film avec 2 petites amorces en papier aux extrémités, environ 500 images, livrée en boite métallique ; montage en plein jour

viseur sur le dessus ;

objectif Darlot monté sur une petite planchette à encadrement tenu par un ressort ; focale et diaphragme fixes (le même objectif est utilisé pour la projection)

2 cadences de prise de vues sur le boitier à ressort : normal et image par image ;

livré avec 2 disques obturateurs en carton (l’un pour la prise de vues, l’autre pour la projection);

dimensions : 20 × 21,5 × 9 cm

poids : environ 2,5 kg

 

Ci-dessus, de gauche à droite: le déclencheur (avec la position image par image), l'obturateur, la fenêtre de prise de vues et le couloir presseur (photos: ©JFPB ).

 

Filmographie:

Probablement très limitée, le format exclusif et “propriétaire” réservé à cet appareil en a limité la diffusion malgré ses qualités (mécanisme, encombrement et poids).

 

Le film de 15 mm à perforations centrales et sa boite métallique... et probablement l'un des premiers reportages tournés par un amateur (compte tenu du format) (photo: ©JFPB ).

 

L'acteur Ken Murray actionne un Chrono de poche Gaumont... mais quelque chose ne va pas !

La pellicule au-dessus de l'appareil indique que l'appareil est en mode "projection", mais on devrait voir une lanterne... Si Ken Murray filme, la pellicule n'est pas au bon endroit! De plus, le moteur mécanique est en place: il n'a aucune raison d'actionner la manivelle! (photo X. DR).

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