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"Familiarise-toi avec la caméra, puisque c'est le moyen par lequel tu veux t'exprimer" Erich Pommer à Fritz Lang, 1918.

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Le Mirographe

 

Ce curieux appareil, Le Mirographe, fait partie de ceux destinés aux amateurs (*) à la fois par son format de film (20 mm), par ses dimensions réduites et sa légèreté. Mais être le seul à utiliser un format “propriétaire” conduit presque automatiquement à disparaitre. Aussitôt né, aussitôt disparu !

(*) Au début des pratiques cinématographiques la distinction entre “amateur” et “professionnel” reste évidemment très floue et surtout très poreuse.

 

Le film de 20 mm avec les encoches de chaque côté (photo : ©JFPB).

 

Quasi contemporain du Chrono de poche Gaumont, outre l’intérêt que le Mirographe fait partie des tous premiers appareils (le brevet est du 29 octobre 1898: certainement le premier français *) cinématographiques en format substandard destiné aux amateurs, cet appareil présente une particularité mécanique par son astucieux et original système d’entraînement. Mais là aussi, l’innovation à tout prix a ses limites. Cela est resté sans suite.

(*) En format substandard, Birt Acres en Angleterre présente la Birtac le 25 janvier 1899 (dépôt du 9 juin 1898) au format 17,5 mm (35 mm coupé par le milieu) et commercialisé en mai.

 

Vue générale du mécanisme (photo : ©JFPB).

 

Comme beaucoup d’appareil de cette époque, Le Mirographe pouvait se transformer en projecteur en reprenant le même bloc mécanique. Ce bloc mécanique pouvait être sorti aisément du boitier “caméra”: il suffisait d’ajouter une lanterne (*). Le Mirographe devenait alors le Miroscope.

(*) avec un changement d’obturateur et un objectif différent.

 

C’est Lucien Reulos (1864-1928), collaborateur de Méliès (d'abord opérateur puis avec qui ils créèrent un appareil de projection : le Kinétograph) qui dépose un brevet le 29 octobre 1898 (n° Fr 282548) pour un appareil cinématographique. Associé avec un mécanicien, Jacques Goudeau et un certain Larquet, Reulos fonde en 1900 la Société Reulos Goudeau et Compagnie en vue de la fabrication et commercialisation de ce nouvel appareil : Le Mirographe.

La "carrière" de l’appareil sera brève : la société Reulos Goudeau et Compagnie sera dissoute en 1902.

 

Le Mirographe ouvert avec son mécanisme à l'intérieur (photo : ©JFPB).

 

De petite dimension, le boitier en bois recouvert de cuir renferme le mécanisme actionné par une manivelle. Deux particularités :

1- l'obturateur est dit « à boisseau » (par analogie avec la partie d’un robinet) : c’est un cylindre avec deux parties évidées diamétralement ;

2- le film est à encoches latérales (1 par image et positionnée sur l’inter-image). Son entraînement est obtenu par une roue placée légèrement en biais (axe incliné) et qui comporte une sorte de jante ou saillie en spirale (“limaçon” ou encore « roue à escargot »). En tournant, la jante vient s’enclencher dans les encoches et entraîne ainsi le film : l’avancement de la pellicule procède un peu d’un mécanisme à crémaillère. Il s’agit d’un mouvement de rotation continu et non saccadé.

Les boites de film contiennent 6 mètres de pellicule, soit environ 40 secondes de prise de vues.

La visée se fait par un orifice à l’arrière (avec un petit cache manuel) directement sur l’objectif, et à condition de bien laisser l’obturateur ouvert perpendiculairement au film.

Si le boitier est en bois recouvert de maroquin (noir ou marron selon les appareils), l’intérieur est curieusement en bel acajou clair ! On peut admirer le beau travail d’ébénisterie, mais ce doit être le seul appareil à ne pas posséder un intérieur noir, garantie d’une parfaite obscurité à l’intérieur.

L’étanchéité à la lumière est loin d’être totale : en témoigne également le passage de la courroie métallique qui entraîne la bobine réceptrice…

L’obturateur à boisseau et deux détails de la roue “limaçon”(photo : ©JFPB).

 

Principales caractéristiques :


- format : 20 mm (film nitrate), perforations à encoches sur chaque côté ;
- dimensions : 22 × 18,5 × 12,5 cm ;
- poids : 1,5 kg.;
-
1 objectif fixe F= mm, f ;
- viseur
à travers le boitier ;
- chargement par bobine de 6 m.;
- obturateur fixe à boisseau ;
- entraînement par manivelle : 2 tours/seconde (soient 2 x 8 images/seconde) ;

 

 

Le Mirographe ouvert, sans le mécanisme : beau travail d’ébénisterie mais cela devrait être noir ! (photo : ©JFPB).

 

Filmographie:
A priori peu de films ont du être tournés avec ce genre d’appareil. Les recherches sont ouvertes !

Dans ses mémoires, Tours de manivelle (1933), Félix Mesguich relate deux tournages qu’il a fait avec le Mirographe :

— Santos-Dumont n°6 (vol au dessus du Bois de Boulogne), (prix Deutsch) ; 1900 (?)

— Funérailles de la Reine Victoria (en doublure d’un Cinématographe Lumière) ; 1901

 

Probablement l’un des premiers combat de boxe filmé par un amateur ! (photo : ©JFPB)

 

Le mécanisme à l’intérieur du boitier (photo : ©JFPB).

 

Extrait de la revue La Nature du 15 février 1901.

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