Rendue célèbre grâce à Charlie Chaplin, la caméra Bell Howell 2709 est représentative (avec la Mitchell) de la production hollywoodienne des années 20.
C’est en
février 1907 à Chicago, alors principal lieu de l'activité cinématographique, que la
Bell & Howell Company est
fondée. Donald J. Bell est projectionniste et s’intéresse à divers appareils cinématographiques. Albert S. Howell travaille dans un
atelier qui construit et répare des projecteurs. En 1906 ce dernier met au point un mécanisme qui améliore le projecteur Kinodrome. Les capacités de chacun (expérience et connaissance du
milieu de Bell, inventivité et expertise de la mécanique d’Howell) les amènent à créer leur propre affaire.
Une activité de réparation d’équipements (fabriqués par d’autres sociétés) occupe principalement les premières années. Mais
la Bell & Howell Company
s’intéresse aussi à deux problèmes majeurs en ces débuts du
cinéma : la standardisation des équipements et l’effet de scintillement dû aux mouvements de manivelle, par nature peu réguliers. Avec le perfectionnement
du Kinodrome et d’autres appareils pour le 35 mm, la Bell & Howell Company a
“forcé” l’industrie cinématographique à pérenniser le format 35.
En 1910, la Company crée sa première caméra en bois et cuir. Mais une expérience malheureuse en Afrique va décider de la suite. En effet, cette caméra en bois a été rongée par les termites et a subi
des dégâts par l’humidité ! Ainsi est née en 1912 la première caméra entièrement métallique, la Bell &
Howell 2709. Le chiffre 2709 viendrait du fait que le mécanisme serait le vingt-septième fabriqué
en 1909.
Cet appareil gardera son “design” pendant près de 46 ans !
Pratiquement 100 % des
productions d’Hollywood ont utilisé la Bell-Howell en 1919
(entretemps l’industrie cinématographique avait “émigré” de Chicago à Hollywood).
Les innovations de cette caméra portaient essentiellement sur un corps métallique, une tourelle pouvant recevoir 4 objectifs (ce qui permet un
changement rapide), un magasin unique
(400 “feet”
-environ 120
mètres – puis 1000) avec 2 compartiments en métal, un mécanisme de
haute précision avec griffes et contre-griffes (précieux pour les effets spéciaux et l'animation). Ici
apparais le
“rack over system”, c’est-à-dire un système de déplacement
du corps de l’appareil qui permet de viser puis, grâce au déplacement
latéral, l’objectif “prend” la même place que la visée : l’image enregistrée sera donc
exactement celle vue dans le viseur (mais ça ne remplace pas la visée
réflexe qui permet de voir au moment même où l'on
filme !).
Le mécanisme a la particularité d’être innovant dans le fait que, au moment de l'exposition
de l’image, le film est plaqué (en fait poussé) contre la
fenêtre d'exposition et est maintenu par les contre-griffes fixes. Les griffes mobiles assurent la translation de la pellicule. Cette caractéristique génère un son très
personnel à la 2709, et en a fait un inconvénient majeur
à l’arrivée du
parlant.
Photos du haut:
– à gauche : le cheminement du film à l'intérieur de la caméra ;
– au centre : le mécanisme avec le presseur et les griffes et contre-griffes (celles-ci non visibles sur cet axe photographique);
– à droite : le presseur est “poussé” contre la fenêtre d’exposition, on aperçoit la griffe mobile (à gauche de la petite vis du bas).
Photos du bas :
– à gauche : le presseur s’est retiré de la fenêtre, on aperçoit la contre-griffe (pratiquement au centre de l’image);
– au centre le même mouvement avec un film dans le presseur : le film est plaqué contre la fenêtre : c’est l’impression ;
– à droite, le presseur est en retrait, le film est alors en translation (photos : ©JFPB).
Ci-dessus de gauche à droite : l’indicateur d’ouverture de l’obturateur et le compteur ; sur la partie arrondie, la table d’exposition ; détail de cette table (photos : ©JFPB).
Principales
caractéristiques:
- à partir de 1912
- format du film : 35 mm.;
- dimensions (hors magasin et optiques): 22 × 18 × 17 cm ;
-
poids : 7 kg.; corps en aluminium;
- griffes et contre-griffes ; un seul débiteur denté de 32
dents ;
- entraînement par
manivelle, puis aussi par moteur électrique (dès 1919);
- obturateur variable avec ouverture maximale à 170°; système de fondu sur 64 images ;
- visée à
travers l’objectif (mais pas réflexe);
viseur “clair”
sur le côté
type Mitchell ;
-
compteur d’images ;
- tourelle rotative pour 4
objectifs ;
- magasin fixé par un bouton
central qui verrouille également la porte d’accès au chargement
intérieur ;
- évolutions techniques
repérées par des lettres (B1, B2, B3, C1, etc.) après le numéro de série.
Filmographie (liste non exhaustive) :
Grâce à ses caractéristiques, la 2709 a été largement adoptée par la production hollywoodienne.
Opérateurs et studios ont commencé à en acquérir dès 1912 malgré son prix élevé (environ 1 000 $ de l’époque hors optique). Quelques
titres pêle-mêle:
- à la Production Company Metro Pictures
Corporation (opérateur : Rudolph Bergquist ?) relevons quelques titres:
- Romeo & Juliette (1916) de Francis X
Bushman
- In the Diplomatic Service (1916)
- A Virginia Romance (1916)
- The Masked Rider (1916)
- A Milion a Minute (1916)
- The Come Back (1916)
- The Wall Between (1916)
- The Great Secret (1917)…
- les
studios Culver City (Culver City Studios) auraient tourné
avec la 2709
dès sa mise sur le
marché ;
- Charlie Chaplin aurait
acquis 3 modèles peu après la fondation de son studio, Charlie Chaplin
Inc. et (ou dont ?) une à titre personnel
(n°227 ?) le 23 février
1918 ; Une vie de
chien (1918), Charlot
soldat (1918), The Kid
(1921), La Ruée vers l’Or (1925), Les Temps Modernes (1934-35) sont signés par la 2709 ;
- Le Lasso d’amour de Fred Kelsey avec Harry Carey, 1916 (western) ;
- Hearts Aflame de Reginald Barker (1923) : une vingtaine de caméras auraient été utilisées pour
certaines scènes spectaculaires ;
- Ben-Hur (1925) de Fred Niblo (production MGM) : 10 caméras pour la fameuse course de chars
(des documents montrent 21 caméras !
et un article de
l’American Cinematographer
précise 42 caméras au
total !) ;
- The Cameraman d’Edward Sedgwick (1928) avec Buster
Keaton… et la
caméra “Lucien
Prévost”;
- Fool's Paradis (1921) de Cecil B.
DeMille ;
— The Iron Horse (Le Cheval de fer, 1924) de Joh
Ford ;
- Eternal Love (1929) d’Ernst
Lubitsch ;
- La Roue d’Abel Gance (1923) ;
- Foolish Wives d’Erich von Stroheim (1922) ;
- The Merry Widow d’Erich von Stroheim
(1925) ;
— La Maison du Maltais, 1925, Henri
Fescourt, +
un Cameréclair 4
objectifs (?) en 2de
caméra
- Walt Disney l’a utilisée
pour Blanche Neige et les Sept Nains (Snow White and the Seven Dwarfs) de David Hand (1937) ;
- la Fox l’a utilisée pour
son King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack en 1933. Elle
apparait aussi dans le film, car le sujet de départ du film est une expédition de
cinéastes.
Et juste retour des choses:
- la 2709 joue dans
le “remake” King
Kong de Peter Jackson (2005) avec Naomi Watts et Jack
Black ;
- elle apparait
dans La grande farandole (The story of Irene and Vernon Castle) de Henry C. Potter avec le couple mythique Ginger Rogers et Fred Astaire
(1939). On
voit l’opérateur manœuvrer
le “rack-over”. On distingue aussi
une “Pathé
Professionnel ».
On voit aussi quelques exemplaires (dont un avec moteur électrique) dans Chantons sous la pluie de Stanley Donnen et Gene Kelly (1952).