Cinécaméras...histoires de caméras...

"Familiarise-toi avec la caméra, puisque c'est le moyen par lequel tu veux t'exprimer" Erich Pommer à Fritz Lang, 1918.

cinécaméras
cinécaméras

Technique: le mécanisme

Le mécanisme d’une caméra assure le passage d’un mouvement linéaire à un mouvement saccadé. Dispositif indispensable pour que l’image s’arrête face à la fenêtre d’impression. Le film sort d’un magasin débiteur, est guidé par un (ou des) tambour(s) denté(s), s’immobilise 24 fois par seconde (au début du cinéma : 16 fois, parfois légèrement moins) devant la fenêtre (là où les rayons lumineux viennent impressionner la pellicule), puis repasse sur un (ou des) tambour(s) denté(s) avant de s’enrouler dans un magasin récepteur (on notera que le Cinématographe Lumière ne possède pas de tambour denté).

Analyse du mouvement:
- arrêt du film vierge devant la fenêtre d’exposition ;
- ouverture de l’obturateur ;
- impression d’une image ;
- fermeture de l’obturateur ;
- avance du film d’une image par l’action de la griffe

 

1 : bobine débitrice (ou magasin débiteur)
2
 : film et sa boucle supérieure (la boucle amortie les saccades)
3
 : couloir d’exposition
4
 : fenêtre d’exposition (mouvement saccadé)
5
 : griffe d’entraînement
6
 : objectif
7
 : obturateur
8
 : bobine réceptrice (ou magasin récepteur)
9
 : tambour denté d’entrainement (mouvement continu)

(d’après document Editions P Montel/Kodak)

 

A/ Les organes à mouvements continus:
- le moteur
- les tambours dentés
- l'obturateur

B/ Les organes à mouvements alternatifs :

Sur le schéma ci-dessus, il existe une boucle supérieure et une boucle inférieure. Celles-ci sont indispensables pour passer du mouvement continu de la pellicule au mouvement discontinu (et inversement). Les griffes et contre-griffes sont les éléments mécaniques nécessaires pour assurer la translation du film (griffes) et son immobilisation parfaite dans la fenêtre d’exposition (contre-griffes).

 

Le défilement saccadé:
Le passage du mouvement continu au mouvement alternatif est réalisé grâce à des systèmes mécaniques tels que des cames, des excentriques ou des bielles. De nombreux mécanismes ont rivalisé d’ingéniosité et de simplicité (pas toujours !) pour assurer ce défilement saccadé du film, base fondatrice du cinéma argentique.


On repère quatre principales familles de mécanisme:
- mouvement à mécanisme séparé (came
Carpentier-Lumière sur caméra Lumière ; came Trézel -en fait dérivé de l’excentrique de Hornblower (*)- sur caméras Parvo-Debrie ; caméras Bell-Howell);
- mouvement combiné (caméras
Eclair, Kodak)
- mécanisme à simple descente obtenu par élasticité (caméras
Caméflex)
- descente et remontée (caméras de trucages)
Sur une caméra
Mitchell 16, les 2 contre-griffes sont légèrement différentes : l’une est destinée à maintenir le film horizontalement (la longueur est exactement calculée sur celle des perforations), l’autre le maintient verticalement (c’est cette fois sa hauteur qui correspond exactement à celle des perforations).


Observation:
Les premiers appareils étaient réversibles ou mixtes (autrement dit à la fois caméra et projecteur, et même tireuse). Rapidement, la prise de vues
et la projection ont opté pour des solutions différentes : les frères Lumière, eux-mêmes, fabriqueront dès 1897 (soit 2 ans après leur premier Cinématographe) un appareil destiné uniquement à la projection. Si les appareils destinés à la prise de vues conserveront le fonctionnement à griffes, les projecteurs adopteront tout de suite la Croix de Malte.

 

Mécanismes d’entrainement par griffes (bielle Williamson): on retrouve le dispositif central dans certaines caméras Kodak (doc. © Hachette).

 

L’entraînement par griffes:
Le mouvement du film par griffes est celui imaginé par les Frères Lumière. Ce mouvement était obtenu par une came dite de Trézel (de forme triangulaire): elle agit sur un cadre porte-griffes et assure les mouvements de montée et descente et ceux d’engagements et de dégagements. Ce mécanisme, à quelques variantes près, est resté le même dans la plupart des caméras professionnelles. Les caméras légères et/ou d’amateurs comportent un mécanisme simplifié, mais basé sur les mêmes principes.

 

Une came Lumière à la fin du mouvement descendant (figures du haut : face et profil); à la fin du mouvement ascendant (figures du bas : face et profil) (doc © L. Lobel, La technique cinématographique).

 

La came Demeny:
Un autre mode
d’entraînement saccadé a été appliqué sur le Chrono de poche de Gaumont (illustration ci-dessous © Traité encyclopédique du cinéma 1937-). Il est à Georges Demenÿ pour cette caméra destinée à l’amateur (film de 15 mm de large à perforations centrales). À la sortie de la bobine débitrice, le film passe dans le couloir d’impression et engrène à la sortie un petit débiteur à rotation continue : entre ce couloir et ce débiteur est positionné un toc excentré sur un plateau. Le film, pendant une partie de la rotation du toc, est appuyé sur celui-ci et se trouve donc tiré à la fois par le débiteur et le toc. Quand le toc est en arrière, la boucle du film devenue libre est absorbée par le débiteur sans que bouge la portion de film située dans le couloir. Au moment où la boucle est presque résorbée, le toc vient à nouveau provoquer l’avancement d’escamotage de l’image.
Ce type
d’entraînement, malgré (où à cause de) sa simplicité n’a pas eu de succès et s’est retrouvé sur des projecteurs jouets.

 

 

Entraînement par croix de Malte:
Inventé (?) par Raoul Grimoin-Sanson et perfectionné par Pierre-Victor Continsouza, ce mode
d’entraînement réalise la rotation intermittente du débiteur inférieur. À cet effet, le débiteur est solidaire d’un plateau taillé en forme de croix de Malte et actionné par un second plateau à ergot. Celui-ci porte une came circulaire encochée. Quand le film est immobile, la came circulaire tourne en contact avec le bord circulaire d’une des branches de la croix de Malte. Au moment où l’ergot va s’engager dans l’une des 4 fentes de la croix, l’encoche de la came libère la croix que l’ergot entraîne sur 1/4 de tour avant qu’elle soit immobilisée à nouveau dès que la came revient au contact du bord courbe de la branche suivante.
La rapidité de l’escamotage a destiné ce mécanisme aux projecteurs.

 

 

< Ci-contre, la came Trézel (excentrique de Hornblower) de la Parvo-Debrie.


 

Ci-dessous :

G = griffes
g = contre-griffes
C = came Trézel

(photo : JFPB / doc © P. Brard/ETE)

 

(*) la came de Hornblower (de l'anglais Jonathan Hornblower, 1753-1815) serait uniquement de forme triangulaire, alors que celle de Trézel (du français Antoine Trézel, dates ?) serait triangulaire mais avec des bords arrondis. Ces types de cames étaient utilisés au XIXe siècle dans les machines à vapeur.