Le mécanisme d’une caméra assure le passage d’un mouvement linéaire à un mouvement saccadé. Dispositif indispensable pour que l’image s’arrête face à la fenêtre d’impression. Le film sort d’un magasin débiteur, est guidé par un (ou des) tambour(s) denté(s), s’immobilise 24 fois par seconde (au début du cinéma : 16 fois, parfois légèrement moins) devant la fenêtre (là où les rayons lumineux viennent impressionner la pellicule), puis repasse sur un (ou des) tambour(s) denté(s) avant de s’enrouler dans un magasin récepteur (on notera que le Cinématographe Lumière ne possède pas de tambour denté).
Analyse du mouvement:
- arrêt du film vierge devant la fenêtre d’exposition ;
- ouverture de l’obturateur ;
- impression d’une image ;
- fermeture de l’obturateur ;
- avance du film d’une image par l’action de la griffe
1 : bobine débitrice (ou magasin débiteur)
2 :
film et sa boucle supérieure (la boucle “amortie” les saccades)
3 :
couloir d’exposition
4 :
fenêtre d’exposition (mouvement saccadé)
5 :
griffe d’entraînement
6 :
objectif
7 :
obturateur
8 :
bobine réceptrice (ou magasin récepteur)
9 :
tambour denté d’entrainement (mouvement
continu)
(d’après document Editions P Montel/Kodak)
A/ Les organes à mouvements
continus:
- le moteur
- les tambours dentés
- l'obturateur
B/ Les organes à mouvements
alternatifs :
Sur le schéma ci-dessus, il existe une boucle supérieure et une boucle inférieure. Celles-ci sont indispensables pour passer du mouvement continu de la pellicule au mouvement discontinu (et inversement). Les griffes et contre-griffes sont les éléments mécaniques nécessaires pour assurer la translation du film (griffes) et son immobilisation parfaite dans la fenêtre d’exposition (contre-griffes).
Le défilement saccadé:
Le passage du mouvement
continu au mouvement alternatif est réalisé grâce à des systèmes mécaniques tels que des cames,
des excentriques ou
des bielles. De nombreux mécanismes
ont rivalisé d’ingéniosité et de
simplicité (pas toujours !) pour assurer ce
défilement saccadé du film, base fondatrice du
cinéma argentique.
On repère
quatre principales “familles” de mécanisme:
- mouvement à mécanisme séparé (came “Carpentier-Lumière” sur caméra Lumière ; came
“Trézel” -en fait dérivé de l’excentrique de “Hornblower” (*)- sur caméras Parvo-Debrie ; caméras
Bell-Howell);
- mouvement combiné (caméras Eclair,
Kodak)
- mécanisme à simple descente obtenu par élasticité (caméras Caméflex)
- descente et remontée (caméras de trucages)
Sur une caméra Mitchell 16, les 2 contre-griffes sont
légèrement différentes : l’une est destinée à maintenir le film horizontalement (la longueur est exactement calculée sur celle des
perforations), l’autre le maintient
verticalement (c’est cette fois sa hauteur
qui correspond exactement à celle des perforations).
Observation:
Les premiers appareils étaient réversibles ou mixtes (autrement dit à la fois caméra et projecteur, et même tireuse). Rapidement, la prise de
vues et la projection ont opté pour des solutions
différentes : les frères Lumière,
eux-mêmes, fabriqueront dès 1897 (soit 2 ans après leur premier Cinématographe) un appareil destiné uniquement à la projection. Si les appareils destinés à la prise
de vues conserveront le fonctionnement à griffes, les projecteurs adopteront tout de suite la Croix de Malte.
L’entraînement par griffes:
Le mouvement du film par
griffes est celui imaginé par les Frères Lumière. Ce mouvement était obtenu par une came dite de Trézel (de forme triangulaire): elle agit sur un cadre porte-griffes et assure les mouvements de
montée et descente et ceux d’engagements et de dégagements. Ce mécanisme, à quelques variantes près, est resté le
même dans la plupart des caméras professionnelles. Les caméras légères et/ou d’amateurs comportent un mécanisme simplifié, mais basé sur les mêmes
principes.
Une came Lumière à la fin du mouvement descendant (figures du haut : face et profil); à la fin du mouvement ascendant (figures du bas : face et profil) (doc © L. Lobel, La technique cinématographique).
La came Demeny:
Un autre mode d’entraînement saccadé a été appliqué sur
le Chrono de poche de
Gaumont (illustration
ci-dessous – © Traité encyclopédique du
cinéma 1937-). Il est dû à Georges Demenÿ pour cette caméra destinée
à l’amateur (film
de 15 mm de large à perforations
centrales). À la sortie de la bobine
débitrice, le film passe dans le couloir d’impression et engrène à la sortie un petit débiteur à rotation
continue : entre ce couloir et ce
débiteur est positionné un toc
excentré sur un plateau. Le
film, pendant une partie de la rotation du toc, est appuyé sur celui-ci et se trouve donc tiré à la fois par le débiteur et
le toc. Quand le toc
est en arrière, la boucle
du film devenue libre est absorbée par le débiteur sans que bouge la portion de film située dans le couloir. Au moment où la boucle est presque résorbée,
le toc vient à nouveau
provoquer l’avancement d’escamotage
de l’image.
Ce type d’entraînement, malgré (où à cause de) sa
simplicité n’a pas eu de succès
et s’est retrouvé sur des
projecteurs jouets.
Entraînement par croix de Malte:
Inventé (?) par Raoul Grimoin-Sanson et perfectionné par Pierre-Victor Continsouza, ce mode d’entraînement réalise la rotation intermittente du débiteur
inférieur. À cet effet, le débiteur est
solidaire d’un plateau taillé en forme
de croix de Malte et actionné par un second plateau à ergot. Celui-ci porte une came circulaire encochée. Quand le film est immobile, la came circulaire tourne en contact avec le bord
circulaire d’une des branches de la
croix de Malte. Au moment où l’ergot
va s’engager
dans l’une des 4 fentes de la
croix, l’encoche de la came libère
la croix que l’ergot entraîne sur 1/4 de
tour avant qu’elle soit immobilisée à
nouveau dès que la came revient au contact du bord courbe de la branche suivante.
La rapidité
de l’escamotage a destiné ce
mécanisme aux projecteurs.
< Ci-contre, la came Trézel (excentrique de Hornblower) de la Parvo-Debrie.
Ci-dessous :
G = griffes
g = contre-griffes
C = came Trézel
(photo : JFPB / doc © P. Brard/ETE)
(*) la came de “Hornblower” (de l'anglais Jonathan Hornblower, 1753-1815) serait uniquement de forme triangulaire, alors que celle de “Trézel” (du français Antoine Trézel, dates ?) serait triangulaire mais avec des bords arrondis. Ces types de cames étaient utilisés au XIXe siècle dans les machines à vapeur.